Un BINEX sinon rien
Bonjour les stratèges et les autres. Alors le BINEX, mon grand copain le BINEX. Petite anecdote que je tiens de Yves Ducrocq qui était dans les années quatre-vingt-dix le pdg de Conté, donc c’était lui le Ducrocq qui se décarcassait pour nous. Voilà ce portemine jetable. Yves Ducrocq me raconte que pendant sept ans, ils ne l’ont pas vendu. Et un jour ils ont changé un détail qui a fait qu’ils l’ont vendu. Et comme ça a duré sept ans, après ils l’on appelé « le 7 de Conté ».
Alors, que s’est-il passé ? Alors d’abord chaque fois que je pose cette question en public, on me répond toujours : on a ajouté la gomme. Erreur grave. On n’a pas ajouté la gomme, on a ajouté le clip. Alors qu’est-ce qui s’est passé ? En fait la question qu’on s’est posée, que s’est posée Conté, c’est : comment faire un crayon qui a une largeur de mine constante. Pourquoi ? Parce que les crayons, on les taillait avec des taille-crayons, ce qui faisait un bout conique, et quand le bout était conique, au fur et à mesure qu’on écrivait le trait s’élargissait. C’était un inconvénient. Donc pour que le trait soit de largeur constante, il faut que la mine soit, reste bien cylindrique, même au bout. Et donc pour ça, il faut qu’elle puisse sortir. Donc on a inventé une mine qui pouvait sortir comme vous pouvez le voir. Et donc on avait réussi à faire un crayon de largeur de mine constante. Et comme sur les crayons à l’époque il y avait déjà des gommes, évidemment on a mis la gomme. Et ça ne s’est pas vendu. Jusqu’au jour au bout de sept ans on s’est aperçu que si on ajoutait ce petit clip, là, on avait fait pas seulement un crayon de largeur de mine constante, mais on avait fait un porte-mine jetable. Alors les porte-mines ça existait mais c’était des trucs, des gros trucs en fer qu’on rechargeait avec des mines qui n’étaient pas jetables. Et là immédiatement, ça s’est vendu.
Alors, qu’est-ce que ça veut dire cette histoire ? Ça veut dire… Pourquoi d’abord ils ont mis sept ans à trouver qu’il fallait mettre le clip ? Eh bien tout simplement parce que ce n’est pas la question qu’ils s’étaient posée. Ils s’étaient posée la question du crayon à largeur de mine constante et pas du portemine jetable. Donc dans l’univers du crayon il n’y a pas de clip, dans l’univers du portemine, il y a un clip. Mais ceci montre que en fait le succès vient de rencontrer un besoin qui n’a pas été encore identifié. Donc là le fin du fin, je dirai le crime parfait de la stratégie, c’est le besoin insatisfait non exprimé. Ce qui était difficile évidemment, c’est qu’il n’était pas exprimé et il n’était pas satisfait non plus.
Pourquoi c’est le crime parfait de la stratégie. Parce que évidemment, quand vous vous occupez d’un besoin insatisfait non exprimé, il n’y a pas de concurrence. Ça s’appelle une innovation. Pourquoi c’est difficile ? Parce que le besoin, évidemment, n’est pas exprimé. Donc il n’est pas satisfait.
Voilà donc le BINEX, pensez toujours à cela que c’est fondé sur un besoin insatisfait non exprimé, que nous connaissons l’expression de la demande. Mais l’expression de la demande ne recouvre pas l’ensemble des besoins. Il y a aussi des besoins non exprimés, même pas conscients que l’on peut faire émerger. Voilà, souvenez-vous du BINEX qui n’est pas seulement le post-it qui fut en son temps un BINEX. Donc, si vous n’avez pas une stratégie de BINEX, eh bien vous serez dans la concurrence, donc vous allez pleurer. Donc il faut choisir entre le BINEX et le kleenex, même si, notez-le, le kleenex fut en son temps un BINEX.
Voilà ce que je voulais vous dire sur ce petit objet ô combien sympathique et si ces propos ont retenu votre attention, hypothèse envisageable, je vous suggère de vous abonner à la chaîne Youtube. À bientôt.