Temps mesuré et temps ressenti

 

 

Temps mesuré et temps ressenti

 

 

Et d’ailleurs nous savons tous qu’il y a deux définitions du temps : le temps mesuré, celui des horloges et le temps ressenti, le contenu du temps. Et ces deux définitions ne coïncident pas, toutes les heures ne nous paraissent pas aussi longues. Et c’est pour ça que nous portons une montre. Oui, Madame, vous avez une montre ? Mais pour entrer ici, vous n’avez pas besoin d’un mètre. Ce qui veut dire que votre perception de l’espace est suffisamment en correspondance avec l’objectivité de l’espace pour que je puisse passer par la porte sans me cogner au mur et sans avoir un mètre. Par contre ma perception du temps n’est pas suffisamment performante – elle est beaucoup plus influencée par l’information – pour que je puisse arriver à l’heure à mes rendez-vous et être sûr de l’heure sans avoir de montre.

Voilà pourquoi nous portons une montre plutôt qu’un mètre.

Nous opposons évidemment ces deux définitions du temps. D’ailleurs nous les opposons dans le langage puisque pour tout ce qui est la mesure du temps, nous utilisons la racine grecque chronos. Et pour tout ce qui est du contenu du temps, de la temporalité, nous utilisons la racine latine tempus.

Bien, alors, chronos, tempus. Un jour je vais au marché, j’achète un poulet et je demande à la marchande combien de temps il faut le faire cuire. Elle me répond : « Une bonne heure. » Je lui dis : « Qu’est-ce qu’une bonne heure ? Toutes les heures sont bonnes à vivre. – Une bonne heure, c’est une heure et dix petites minutes. » Je lui dis : « Ah bon parce que pour vous il y a des minutes plus petites que d’autres ? » Et là elle a sans doute pensé : « C’est mon jour de chance, il y a un emmerdeur sur le marché et il est pour moi. »

Share Button