Négocier avec Roosevelt
Bonjour les stratèges et les autres. De Gaulle en 1944 devait-il négocier avec Roosevelt ? La situation est la suivante : les Alliés vont débarquer en France et libérer la France. De Gaulle se considère comme le chef de l’État Français depuis… c’est ce qu’il a proclamé d’ailleurs le 18 juin 1940 et qui a pris forme à Alger à partir de 1943 avec le Conseil National de la Résistance. Roosevelt ne l’entend pas du tout de cette oreille même si bientôt d’ailleurs il n’entendra d’aucune oreille – l’année suivante. Pourquoi ? Parce que l’idée que De Gaule soit un dictateur autoproclamé le hérisse. Roosevelt il veut qu’il y ait des élections qui déterminent qui gouvernera la France et le plan de Roosevelt c’est que les troupes qui vont débarquer vont prendre autorité politique sur les préfets. Et bien sûr ensuite on organisera des élections pour savoir qui dirige la France. Plan qui ne plaît pas du tout – évidemment – à De Gaulle.
Alors Churchill qui est embêté de cette affaire-là dit à De Gaulle : « Faudrait quand même négocier avec Roosevelt. » Et voilà ce que De Gaulle en dit dans ses Mémoires, je m’appuie sur un livre dont je connais bien l’auteur – enfin les Mémoires de De Gaulle – mais un livre qui en fait la recension. Voilà ce que dit De Gaulle : « Pourquoi semblez-vous croire que j’aie à poser devant Roosevelt ma candidature pour le pouvoir en France ? Le Gouvernement français existe. Je n’ai rien à demander dans ce domaine aux États-Unis d’Amérique, non plus qu’à la Grande Bretagne. Je viens d’apprendre par exemple qu’en dépit de nos avertissements, les troupes et les services qui s’apprêtent à débarquer sont munis d’une monnaie soi-disant française fabriquée par l’étranger que le Gouvernement de la République ne reconnaît absolument pas et qui d’après les ordres du commandement interallié aura cours forcé en territoire français. Comment voulez-vous que nous traitions sur ces bases ? »
Et De Gaulle ajoute qu’il n’a aucun doute sur le fait que les préfets se mettront au service du gouvernement qu’il représente et non pas des troupes américaines – ce qui va d’ailleurs exister – donc il n’a pas du tout à négocier cela avec Roosevelt. C’est très intéressant parce que dans ce bras de fer du faible au fort, c’est le faible qui va l’emporter. C’est-à-dire que effectivement De Gaulle va bien s’installer au pouvoir comme il l’a prévu et effectivement au bout de quelques mois Roosevelt admettra bien que c’est De Gaulle le gouvernement de la France.
C’est très intéressant la position de De Gaulle parce que au lieu de négocier avec le fort, avec cet allié tout puissant, il se pose d’abord la question : est-ce que je dois négocier ? Est-ce que je dois négocier cela et est-ce que je dois négocier avec cette personne ? Est-ce que je dois négocier le fait d’être le dirigeant de la France ? Ben non, je n’ai pas à le négocier puisque je le suis déjà et si je commençais à le négocier, ça voudrait dire que tout ce que j’ai fait avant, je n’y croyais pas, était absurde et à invalider. Et est-ce que j’ai à négocier avec cette personne-là, en l’occurrence Roosevelt ? Ben non, Roosevelt il représente peut-être le pays qui va… il représente le pays qui va libérer la France certes, mais là, qui gouverne la France, il s’agit d’une affaire entre Français. Ça ne concerne pas du tout Roosevelt.
C’est très important parce que effectivement comme on veut en général souvent arranger les choses, être coopératif, etc. on a tendance à se précipiter dans une négociation pour bien coopérer et avant il faut toujours se poser cette question : est-ce que cela j’ai à le négocier et est-ce que j’ai à négocier avec cette personne ? De Gaulle qui savait voir les enjeux stratégiques des situations, lui, ne s’y est pas trompé. Voilà les stratèges et les autres ce que je voulais vous dire sur l’année 1944, De Gaulle et la négociation. Il me reste bien sûr à vous inciter à vous abonner à cette chaîne Youtube. À bientôt.
