Management : Désobéir pour être libre d’échouer ou de réussir


Management : Désobéir pour être libre d’échouer… par Challenges

Management : Désobéir pour être libre d’échouer ou de réussir

 

Je ne suis libre et donc responsable que si je suis capable de désobéir à ce qui m’a déterminé jusque-là. C’est-à-dire même capable de désobéir à moi-même. Je dois, pour être quelqu’un de libre et de responsable avoir un regard presque extérieur sur mon degré d’obéissance à moi-même. C’est-à-dire que je dois à la fois être sur le terrain et jouer et je dois aussi être dans les tribunes et au besoin me siffler sur ma façon de jouer.

Il y a un grand texte d’Étienne de La Boétie, l’ami de Montaigne, qui est un texte sur la servitude volontaire, dans lequel il dit : « Au fond, les hommes ne souhaitent pas être libres. » Et si on y réfléchit bien, pourquoi les hommes ne souhaitent pas toujours être libres ? Parce que être libre, c’est être aussi responsable. Et si je suis responsable, je serai aussi responsable le jour où je me serai pris les pieds dans le tapis. Et tous, un jour ou l’autre, on se prend les pieds dans le tapis. Et ce jour-là, je ne pourrai m’en prendre qu’à moi-même. Et donc j’aurai une blessure narcissique.

C’est une remarque faite par le philosophe Jean-Pierre Dupuy. Il dit : « C’est quand même très curieux que depuis trois siècles, dans la culture politique, on se bat pour la valeur de la liberté et que l’idéologie politique qui est la plus haïe en Europe, c’est le libéralisme. Celle qui porte la liberté. » Pourquoi les sociétés depuis trois siècles se battent pour la liberté et haïssent le libéralisme qui fait profession de porter la liberté ? Il dit : « Il y a une raison toute simple. C’est qu’une société libérale fait profondément souffrir les gens puisqu’elle leur dit :  » Vous êtes responsables, y compris de vos échecs.  » »

Mitterrand, pendant sa campagne de quatre-vingt-un. Un journaliste – je crois que c’était Elkabbach d’ailleurs – lui dit : « Mais enfin, vous vous êtes présenté deux fois à l’élection présidentielle. Vous avez perdu. Donc, est-ce que vous croyez vraiment que vous avez une chance ? » Et Mitterrand, qui était un homme évidemment toujours subtil, qui savait manier les métaphores, dit : « Il faut que je vous raconte une petite histoire. En 1941, j’étais prisonnier en Allemagne. Comme ça ne me convenait pas, je me suis évadé. J’ai été repris. Et puis je me suis évadé une deuxième fois et j’ai été repris. Et puis je me suis évadé une troisième fois et j’ai réussi à passer en Suisse, puis en France. » Puis commencer le début d’une carrière qui comme on sait l’a conduit assez loin. Bon. Alors ce qu’il voulait dire, Mitterrand : « Vous voyez, on peut échouer deux fois et réussir la troisième. » Plus profondément, ce qu’il nous disait, c’est que si je veux être libre, je dois d’abord comprendre que mon passé ne me contraint pas sur mes décisions présentes et futures. Je suis toujours libre de faire aujourd’hui l’inverse de ce que j’ai fait dans le passé. Donc j’ai raté deux évasions, ça ne dit absolument rien sur la troisième.

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