L’inversion des rôles
Bonjour les stratèges et les autres. Surtout les autres, d’ailleurs. Je voudrais vous parler aujourd’hui de l’inversion des rôles. Alors de quoi s’agit-il ? Dans le schéma théorique de l’entreprise, donc, l’entreprise appartient à ses actionnaires qui désignent un conseil d’administration, les administrateurs définissent la stratégie de l’entreprise et donnent à une équipe dirigeante, un comité de direction, un mandat stratégique pour action. Bon, ça c’est le schéma sur le papier, dans la réalité ça ne se passe jamais exactement comme ça. Et alors dans le milieu associatif, effectivement, alors là il y a ce schéma encore plus ancré puisqu’il y a un conseil d’administration mais qui n’est même pas le représentant d’actionnaires qui est un peu souvent auto désigné.
Alors, que se passe-t-il dans beaucoup de cas ? C’est que le conseil d’administration qui est censé donner un mandat stratégique en fait ne le fait pas. Et pourquoi il ne le fait pas ? Parce que donner un mandat stratégique suppose une connaissance métier, c’est compliqué, c’est difficile, donc le mandat stratégique en fait il est très flou et si on essaie de le décrypter c’est… il dit à l’équipe dirigeant : « Faites pour le mieux. »
L’équipe dirigeante, qu’est-ce qu’il lui arrive ? Eh bien elle doit agir et pour ça elle comprend qu’elle a besoin de faire une stratégie, donc en général elle s’auto saisit de la stratégie. Ou elle ne s’en auto saisit pas et agissant, il y a une stratégie émergente et pas forcément consciente qui apparaît. Autrement dit, le comité de direction se met à faire la stratégie. À ce moment-là, évidemment, il y a des choses qui remontent au conseil d’administration qui se dit, il faut quand même qu’on fasse notre travail, etc., mais n’étant pas capable de s’occuper de stratégie, il va commencer à mettre son nez dans les actions du comité de direction. Donc progressivement, qu’est-ce qu’on voit se mettre en place ? Ben c’est une inversion des rôles. C’est : le comité de direction fait la stratégie, c’est-à-dire fait le travail du conseil d’administration et le conseil d’administration, faute de mieux, se met à pinailler, à entrer dans les détails, c’est-à-dire à faire le métier du comité de direction. C’est l’administrateur qui se met, si je puis dire, à tenir la buvette. Donc cette inversion des rôles qui se met en place – et puis chacun par bonne volonté, parce que il faut bien faire – a beaucoup d’inconvénients. C’est que chacun risque d’aller sur un terrain où il n’est ni légitime ni forcément compétent. Les administrateurs se mettent à se mêler des détails, du terrain. Ils ne sont pas compétents en ce sens qu’ils se mettent à donner des ordre et ils parlent de choses qu’ils ne voient pas. Donc ils sont éloignés du terrain. De même, le comité de direction, quand il fait la stratégie, il n’a pas forcément d’ailleurs un regard de stratège et deuxièmement il risque de le faire dans son propre intérêt et pas forcément dans l’intérêt de ses actionnaires et de ses administrateurs. Et donc tout ceci tourne gentiment parce que chacun est très occupé mais tourne parfois au fiasco et à l’incompétence.
Alors c’est ce qui se produit dans les entreprises capitalistes mais se produit encore plus dans le milieu associatif où il n’y a pas, je dirais, une espèce de juge de paix de la performance économique. Voilà.
L’inversion des rôles. Donc demandez-vous toujours, que vous soyez en situation d’administrateur ou en situation de membre d’un comité de direction : est-ce que je dois bien faire ça ? Il est connu que en général dans un conseil d’administration, le temps alloué à un sujet est inversement proportionnel à l’importance de ce sujet. Parce que quand le sujet est très sérieux, très important, il s’agit d’investir des milliards, c’est compliqué et il faut beaucoup travailler pour avoir un avis pertinent tandis que quand on discute la couleur dans laquelle on va repeindre le garage à vélo, c’est assez facile d’avoir un avis.
Voilà les stratèges et les autres, ce que je peux vous dire, c’est que ce phénomène d’inversion des rôles je le vois très fréquemment. Je pourrais même dire que à un degré quelconque, on le trouve dans plus de la moitié des entreprises. Donc il me reste maintenant que vous avez compris ça à vous inviter à vous abonner à cette chaîne Youtube, entre autres pour éviter l’inversion des rôles. À bientôt.
