Les pièges de la différenciation
Bonjour les stratèges et les autres. Alors aujourd’hui, petite question sur la différenciation. Aucun concept de stratégie n’est plus utilisé que celui de différenciation et aucun ne donne lieu à davantage de malentendus voire d’erreurs. Pourquoi ? Parce que avec un seul mot « différenciation » on dit trois choses, on désigne trois choses différentes. Première idée, la plus courante, la différenciation vers le haut. J’ajoute de la valeur à mon offre, à mon produit, à mon service pour le vendre plus cher. Donc là, je suis dans un métier où il y a différents prix pour différents types de produits. Il y a une faible élasticité au prix. À ce moment-là, je peux essayer de me différencier. Je ne sais pas, ça peut être le cas du vin, enfin beaucoup de choses dans l’alimentation. Cette différenciation-là, pour la faire, il est légitime de dépenser. Et donc on va parler de différenciation vers le haut. L’objectif, c’est de dépenser plus pour vendre plus cher en espérant que le surprix sera supérieur au surcoût. Mais ça ne peut fonctionner que dans des univers où il y a des écarts de prix pour remplir la même fonction.
Deuxième idée de différenciation, c’est la différenciation vers le bas. Là c’est une toute autre idée, c’est : j’enlève de la valeur à mon offre et je rends cette valeur au client. Donc je vais vendre moins cher pour vendre davantage. Cette stratégie a un nom, ça s’appelle le low cost. Et c’est aussi une forme de différenciation, mais la logique est exactement l’inverse. Il s’agit de rendre la valeur au client, c’est-à-dire de créer moins de valeur au client. Ces différenciations fonctionnent bien dans les univers à très forte élasticité au prix. C’est-à-dire où il n’y a pas d’écart de prix très visible pour remplir les différentes fonctions. On peut parler de l’intérim, du transport routier, des chantiers, du bâtiment, de choses comme ça.
Donc, évidemment, ces deux types de différenciation sont à l’inverse l’une de l’autre et ne seront pas utilisées dans les mêmes univers stratégiques.
Troisième différenciation que je préfère d’ailleurs appeler spécificité. Là, l’objet de ma stratégie, c’est de faire une différence pour être le meilleur pour un sous-segment du marché. C’est-à-dire, toi client si tu accordes de l’importance à tel critère, sur ce critère-là, je vais vendre mieux. Exemple : Volvo la sécurité. Je m’adresse aux clients qui achètent leur voiture en fonction du critère sécurité. Donc là, il ne s’agit pas forcément de vendre plus cher ni moins cher, il s’agit de vendre plus facilement à une partie du marché. Ce qui suppose de renoncer d’ailleurs à la majorité du marché. Ce que souvent les services marketing n’aiment pas parce qu’ils pensent qu’il faut toujours vendre à l’ensemble du marché. Alors voyez-vous, quand on discute de la stratégie d’une entreprise, la première question qu’on pose c’est toujours : « Mais quelle est sa différenciation ? ». Eh bien cette question n’est pas toujours pertinente. Il y a des univers stratégiques où la bonne stratégie c’est de surtout ne pas se différencier. Et si vous n’avez pas la bonne vision de la différenciation, différenciation vers le haut, différenciation vers le bas – low cost – ou spécificité, en fonction de l’univers dans lequel vous êtes, eh bien vous allez vous – passez-moi l’expression – planter avec la différenciation.