Cette vidéo est extraite de mon cours sur Albert Académie
L’effet longue traîne
J’ai entendu dire à la radio que TF1 venait de vivre le plus mauvais trimestre de son histoire. Avec 21 % de part de marché. Oui mais, à quoi comparons-nous TF1. Au moment où TF1 a été privatisée, dans les années quatre-vingts, je crois que la part de marché était autour de 45 % et il y avait six chaînes. Je crois qu’aujourd’hui la TNT c’est vingt-quatre chaînes plus des bouquets numériques qui en proposent des centaines. Autrement dit, il y a eu une démocratisation de la production qui s’est traduite par une démocratisation, évidemment, de la distribution.
Alors c’est quoi, cet effet longue traîne que j’évoque, dû à un certain Chris Anderson ? L’idée est la suivante : pour bien comprendre les choses, il faut penser à un disquaire. Un disquaire, il a des disques en stock, qu’il vend ou qu’il ne vend pas. Le fait de mettre un disque en vente a deux conséquences financière pour lui. Un, ça occupe de la place, donc c’est un coût immobilier. Deuxièmement, ça lui fait du stock donc c’est ce qu’on appelle un besoin en fonds de roulement. Ce qui veut dire que le disquaire ne peut vivre que si son fonds de roulement, son fonds tourne suffisamment. Donc, s’il y a des disques sui sont vendus un fois tous les deux ans, il aura tendance à ne pas les avoir en stock. Donc il va limiter son stock à dix mille, vingt mille, trente mille ou cinquante mille titres. Mais enfin il va le limiter.
Qu’est-ce qu’on a constaté quand on a commencé à vendre de la musique sur Internet ? Eh bien tout simplement que le fait d’augmenter l’offre ne générait pas de coût immobilier et pas de coût en besoin en fonds de roulement puisque la musique, en tant qu’information se duplique et se transporte sans coût. Du coup, on pouvait vendre 500 000 titres, un million de titres, deux millions de titres, etc. La question qu’on se posait : oui mais on peut multiplier l’offre mais est-ce qu’il y a une demande ? Eh bien c’est là où les choses sont devenues encore plus amusantes. On s’est aperçu que même quand on élargissait l’offre énormément, il restait une demande. Certes une demande qui diminuait mais une demande quand même.
Alors je voudrais montrer cette petite et célèbre courbe qui donne la popularité en fonction du nombre de produits. Effectivement, il y a les best-sellers qui sont vendus, beaucoup. Et puis derrière il y a ce qu’on appelle la longue traîne. De produits, de musiques, de livres, etc. qui ont peu de clients. Dans l’économie ancienne, cette économie-là ne pouvait pas émerger. Car les quantités ne permettaient pas de vendre des produits.
Dans l’économie d’aujourd’hui, il y a longue traîne. Alors ça veut dire quoi longue traîne ? Ça veut dire que les marchés de niche prennent une partie de la part de marché des marchés de masse. C’est ça l’effet longue traîne. On l’observe particulièrement évidemment sur le livre, la musique, le film, la télévision, les journaux, etc. Mais pas seulement.
Alors qu’est-ce qui a favorisé la longue traîne ? Eh bien effectivement le fait qu’on ait pu démocratiser la production finalement. Maintenant il est assez facile de faire des émissions de radio, d’imprimer un livre à l’unité etc., de diffuser sa propre musique. La démocratisation de la distribution à travers les réseaux sociaux et Internet puisque finalement tout le monde aujourd’hui est potentiellement en contact avec tout le monde. Et puis des outils de connexion entre l’offre et la demande. Cet outil s’appelle… c’est le moteur de recherche, c’est les recommandations sur les blogs, c’est Google, etc. Etc. Et de ce point de vue-là, il n’est pas non plus étonnant que Google soit devenue une des plus importantes entreprises au monde. Pourquoi ? Parce que son métier est de faire le lien entre une offre démocratisée et souvent collaborative – c’est-à-dire presque gratuite – et une demande complètement émiettée dont on ne sait pas où elle est.
Conséquence sur le marketing. On a toujours conçu le marketing comme l’idée de : j’ai une offre, il faut que je trouve les gens qui sont susceptibles de la demander. Et là, on passe à un marketing inversé. Il faut se dire : il y a des gens qui sont en train de demander mon offre, il faut que je leur donne une chance de e trouver. Cela s’appelle par exemple le référencement.