Le temps des magiciens
Le magicien arrive avec la révolution technique.
Un ado et son père devant un exercice de mathématique auquel l’ado ne comprend rien. L’ado : « Je vais chercher ma calculette… » Le père : « Pourquoi faire ? – On ne sait jamais ! »
Le monde dont nous venons a vu émerger la technique qui exclut le magique. Pourtant, le développement de la technique débouche sur des pratiques magiques. Telle est la thèse centrale de Bruno Jarrosson.
La technique a imprimé dans nos vies des mutations qui n’ont pas été désirées mais sont poussées par le développement de la technique lui-même. Ce n’est pas parce que nous mettons notre bonheur dans un i-Phone plus beau et plus performant que nous aurons l’année prochaine un i-Phone extraordinaire. C’est parce que la compétition entre entreprises fait du progrès technique une nécessité pour la survie. Le diable de la technique est sorti de la bouteille et mène l’histoire à sa guise vers un devenir indiscernable.
Face à ce déferlement de progrès technique, l’homme moderne, se voyant dépassé ou submergé, est sensible aux sirènes d’un discours apocalyptique. Il reste à comprendre et apprivoiser ces nouveaux magiciens. De jeunes natifs de l’Internet qui de toute façon façonnent le monde d’aujourd’hui et domineront celui de demain.
Un émigré se reconnaît à quelques signes. Souvent il pratique mal la langue du pays dans lequel il a émigré. Il ne maîtrise pas tous les ingrédients indéfinissables de l’identité nationale. Mais enfin progressivement il y arrive. Et le jour où il obtient la nationalité du pays, on ne revient pas en arrière.
Enfin en principe.
Le monde est en train de se peupler sournoisement d’émigrés de l’analogique. Le langage du monde bascule de l’analogique au numérique. Les enfants naissent avec l’identité mondiale du numérique, leurs parents ne seront jamais que des émigrés de l’analogique. Voilà que le langage change et qu’un chemin inhabituel menace chacun, devenir émigré dans un monde dont il se croyait citoyen de plein droit.
