Le pouvoir rend-il fou ?

 

 

Le pouvoir rend-il fou ?

 

 

Alors le pouvoir, je vais mettre les points sur les « i », sur trois « i ». Inefficace, illégitime, immoral. Vous avez compris que le pouvoir a des problèmes. On n’en a pas parlé de façon très positive. C’est quoi, ces problèmes ? Alors moi je fais du conseil en stratégie auprès de gens qui ont du pouvoir, qui conçoivent des stratégies et qui les mettent en œuvre en utilisant leur pouvoir. Donc, ce qui m’intéresse, ce n’est pas de contester fondamentalement et philosophiquement le pouvoir, c’est de me demander comment il peut marcher ou ne pas marcher. Alors ce je constate de ce point de vue-là, de mon regard, c’est que le pouvoir a des problèmes.

Alors inefficace. Vous allez dans une entreprise et beaucoup de gens vous expliquent que là-haut les gens qui exercent le pouvoir… Donc l’accusation d’incompétence des hommes de pouvoir, elle est constante. Alors en politique, n’en parlons pas. Je vous rappelle que depuis 1976, ça fait quand même quarante ans, la majorité parlementaire sortante n’a gagné qu’une fois les élections, c’était en 2007. Et chaque fois, si elle perd, c’est parce que les électeurs disent : « Ils se sont plantés. Enfin ils on été inefficaces. » Ils n’ont pas faits ce qu’ils devaient faire, ils n’ont pas tenu leurs promesses, ils n’ont pas atteint leurs objectifs. Enfin ils sont mauvais. Donc ça c’est quand même le discours dominant sur le pouvoir. Première accusation, il est inefficace.

Deuxième accusation, et elle est assez moderne, il est illégitime. Réfléchissons, en 1789 les Révolutionnaires disent : « Les hommes naissent libres et égaux en droits. » Oui mais si on a tous les mêmes droits, de quel droit j’exercerai un pouvoir sur quelqu’un ? Si j’exerce un pouvoir sur quelqu’un, c’est que je prends un peu plus de droits et que je lui en laisse un peu moins. Donc ce n’est pas conforme à l’égalité de droits. Et ça, depuis que la première phrase de la déclaration des droits de l’homme a été écrite, il y a quand même un soupçon d’illégitimité sur le pouvoir. Qui n’apparaît pas du tout dans l’Antiquité. Je vous rappelle qu’Aristote – grand philosophe – ne conteste pas du tout l’esclavage. Qui n’est quand même pas un bon exemple de l’égalité de droits. Pour lui, il n’y a pas de problème de légitimité dans l’esclavage. Pour nous, nous n’aimons pas l’esclavage. Mais le fait d’exercer un pouvoir, ça nous pose une question. C’est qu’on n’est plus dans l’égalité de droits. Problème de légitimité.

Et puis le pouvoir a un troisième problème : c’est que dès que vous exercez du pouvoir, vous allez prendre des décisions qui concernent la vie des autres. Donc un jour, vous allez prendre une décision qui fait souffrir quelqu’un. Alors vous êtes prof, l’élève vous demande de remonter sa note et vous dites non. « Oui mais je vais redoubler. – Eh ben oui vous allez redoubler. » Vous êtes chef d’entreprise, vous licenciez, vous refusez une augmentation. Voilà, vous allez prendre un jour une décision qui fera souffrir quelqu’un. Et vous n’avez pas envie parce que vous vous dites que la plus grande des vertus selon saint Paul c’est quand même la charité. Donc le pouvoir n’est pas conforme à la plus grande des vertus qui est la charité. Alors si on est du côté de Sénèque plutôt que du côté de saint Paul – qui d’ailleurs sont nés à peu près au même moment vers l’an 8, avant après Jésus-Christ ? Pendant ! Pendant Jésus-Christ.

Donc, si on est du côté de saint Paul, la charité est la plus grande des vertus. Si on est du côté de Sénèque déjà c’est le courage, c’est un petit peu autre chose. Eh bien je ne vais pas être conforme au devoir de charité. Donc je me pose une question en disant : le pouvoir je ne sais pas s’il me rend bête mais déjà il me rend méchant. C’est embêtant. Donc je ne m’aime pas là-dedans.

Vous voyez que ces interrogations sont assez différentes de celle de l’Antiquité qui a été évoquée : c’est l’hubris. Ce que les Grecs reprochent au pouvoir, c’est l’hubris. L’hubris, c’est le pouvoir qui n’est pas conscient de sa limite, qui croit qu’il n’a pas de limite. L’hubris, c’est Napoléon qui croit qu’il peut emmener 600 000 soldats à Moscou. Ce qui est vrai, sauf qu’il ne peut pas les ramener. Il a légèrement oublié un détail, donc il a un peu surestimé son pouvoir. Plus rien ne l’arrêtait. Alors il y a une forme moderne de l’hubris, mais qui est assez minoritaire dans les entreprises, mais que vous connaissez tous, c’est le syndrome du TDCSM : tous des cons sauf moi. 15 % des dirigeants d’entreprise à peu près. Mais il en reste quand même 85 % qui ne sont pas là-dedans.

Alors on peut à partir de tout cela critiquer le pouvoir mais moi je partirai d’une approche phénoménologique, c’est qu’il y a du pouvoir. Et en particulier dans le système économique. Pourquoi ? Parce qu’on véhicule de l’argent et l’argent est le véhicule du pouvoir. Quand je paie quelqu’un, j’exerce un pouvoir. Y compris quand j’achète. Je vais chez le boulanger, j’achète du pain. Je vais le payer, je ne demande pas au boulanger si ça lui plaît de me vendre du pain ou pas, si ma tête lui revient ou pas. Je paie donc j’exerce un pouvoir : je vous donne de l’argent et vous me donner du pain. Voilà. Le reste, je n’en ai pas grand-chose à foutre.

Donc l’argent est le véhicule du pouvoir donc le pouvoir est d’abord une réalité. Et de ce point de vue-là – et c’est une discussion que j’ai souvent avec des clients quand ils se sentent illégitimes, je leur dis non, vous allez exercer du pouvoir, vous allez faire souffrir des gens, mais vous êtes légitime, votre entreprise comme toutes le entreprises fonctionne avec des flux d’argent, donc il y a des gens qui exercent du pouvoir sur d’autres.

Alors à partir de là, je voudrais vous parler de trois situations qui font référence à la question de la folie. Et en fait c’est trois situations de pouvoir, mais c’est les situations que je trouve folles. Et alors, est-ce que les acteurs sont pour autant fous ?

Alors la première, ça se passe le 16 juin 1940. J’ai fait une pièce de théâtre qui est passée au théâtre à l’automne dernier à ce sujet-là. Voilà, donc le gouvernement est à Bordeaux, les armées françaises ont été défaites et il y a deux solutions possibles. Il y a une première solution qui va être adoptée où on demande l’armistice, ce qui conduit évidemment à coopérer avec l’occupant, et il y a une deuxième solution qui est celle qu’ont adoptée les Belges, les Danois, les Hollandais où l’armée capitule et le gouvernement s’en va et continue à être le gouvernement légitime qui continue la guerre. Simplement l’armée a capitulé. Donc il est question à ce moment-là que le gouvernement parte à Alger et qu’il y ait un gouvernement à Alger. Un gouvernement français qui reste dans la guerre et allié des Anglais.

Bien. Comme vous savez, c’est le choix de l’armistice qui a été fait. Mais ça n’allait pas de soi. Aujourd’hui quelquefois on nous raconte qu’il n’y avait pas d’autre solution que l’armistice. Si, il y avait une autre solution, c’est même celle qu’ont adoptée tous les autres pays. Donc ce n’était pas si évident que ça.

Qui est au pouvoir ce jour-là ? Le président de la République s’appelle Albert Lebrun. Il ne veut pas d’armistice, il veut aller à Alger. Le président du Conseil s’appelle Paul Reynaud, il ne veut pas d’armistice, il veut aller à Alger. Et il y a quelqu’un qui s’appelle Philippe Pétain, qui est vice-président du Conseil., donc dans l’ordre légal du pouvoir, il n’a pas le pouvoir. Et lui, il veut l’armistice. Qu’est-ce qu’il va se passer ce jour-là ? Paul Reynaud démissionne et Albert Lebrun nomme Pétain président du Conseil et le lendemain Pétain s’adresse à l’adversaire pour demander l’armistice.

Alors ça, c’est quand même une situation complètement folle. Parce que, en toute conscience, Paul Reynaud et Albert Lebrun donnent le pouvoir à quelqu’un qui leur a annoncé qu’il ferait l’inverse de ce qu’ils veulent eux. Pourquoi ils font ça ? C’est une situation complètement absurde.

Deuxième situation absurde. Nous sommes le 1er juin 1958. La veille, Charles de Gaulle a été appelé par le président René Coty à être président du Conseil. Et donc il doit se présenter devant la Chambre pour faire valider, ratifier, son gouvernement. Faire voter le soutien à son gouvernement. Alors depuis 1946, donc depuis douze ans, De Gaulle est écarté du pouvoir. Il vitupère contre ce pouvoir puisque lui il voulait faire une constitution en 1946 qui donnait un pouvoir fort au président de la République et faible au Parlement. On a fait une constitution parlementariste, il vitupère contre et les parlementaires sont très remontés contre De Gaulle parce qu’ils le soupçonnent de vouloir faire un pouvoir personnel à travers une constitution à sa main. C’est l’ennemi de base. Voilà ce que dit De Gaulle le 1er juin 1958 à la tribune. Je me présente devant vous pour que vous votiez le soutien à mon gouvernement. Mais je précise que je n’accepterai qu’à trois autres conditions. La première c’est que vous me donniez les pleins pouvoirs pour six mois. La deuxième c’est que cette assemblée se dissolve à l’issue de cette séance et la troisième c’est que vous me donniez mandat pour proposer dans les six mois une nouvelle constitution à la France. Et il ajoute : je précise que je n’aurai pas de discussion avec vous, à l’issue de cette déclaration je m’en vais. Et il quitte l’assemblée. Dans le genre provocation, il leur dit exactement qu’il va faire exactement tout ce qu’ils refusent obstinément. Toutes leurs pires craintes. Je vais faire une nouvelle constitution, je veux les pleins pouvoirs et je veux que vous disparaissiez d’ici. C’est exactement ce qu’ils craignaient. Il ne leur dit pas : « Non, non, je ne vais pas le faire ». Au contraire, il les provoque. Et l’assemblée vote les pleins pouvoir à De Gaulle. Absurde. Ce qui a conduit à la constitution sous laquelle nous vivons et sous laquelle vous êtes tous nés sauf moi. Bien.

Troisième situation. Nous sommes le 1er décembre 2016. Et nous avons un président normal, donc, et qui termine son premier mandat. Donc qui a tout le pouvoir légal de se représenter. Rien ni personne ne l’en empêche. Et il vient à la télévision et il fait une déclaration étrange. Il commence par expliquer pendant dix minutes qu’il a tout bien fait. Qu’il a tout réussi. Et il en tire comme conclusion : je ne me représente pas. Étrange, étrange non ? Parce que ça arrive que des présidents qui peuvent se représenter ne se représentent pas. C’est le cas de Johnson aux États-Unis en soixante-huit. Mais il n’est pas venu en disant : je ne me représente pas parce que j’ai tout réussi. Je ne me représente pas parce qu’il y a la guerre du Vietnam et je ne sais pas comment sortir de ce pétrin-là.

Alors qu’est-ce qu’il y a de commun à ces trois situations ? Pourquoi Pétain prend le pouvoir sur Reynaud et Lebrun ? Alors je ne vois qu’une explication : Pétain se prend pour Pétain. Et il arrive à faire croire aux autres qu’il est Philippe Pétain, c’est-à-dire une espèce de personnage mythique, d’accord ?

De Gaulle. Pourquoi on vote les pleins pouvoirs à De Gaulle ? Alors bien sûr on sait l’explication : les parlementaires ont peur que les parachutistes arrivent et viennent faire un coup d’État. Est-ce que c’est suffisant pour voter pour le coup d’État ? Franchement ! Est-ce que c’est parce que j’ai peur de me noyer que je me jette à l’eau ? C’est quand même bizarre. Non, je pense que De Gaulle se prend pour De Gaulle. Il arrive à faire croire qu’il est une espèce de personnage hors norme. C’est d’ailleurs Edgar Faure qui a dit : de toute façon pour résoudre la crise algérienne, elle ne peut se résoudre que dans une quatrième dimension et il n’y a qu’un personnage qui vit dans cette dimension, c’est De Gaulle. Voilà. Donc il dit je me prends… il se prend tellement pour De Gaulle que finalement il arrive à faire croire qu’il va… une espèce de magicien. Il l’a dit plus tard, De Gaulle, il a dit : mais les Français me prêtent des pouvoirs, comme ça mais un jour le masque va se dissiper et d’ailleurs un jour le masque s’est bien dissipé.

Et le président normal ? En fait, ce 1er décembre, je vais le dire sous forme de boutade – je ne voudrais pas être polémique parce que quand on parle de l’histoire ça va, mais là il peut y avoir des enjeux – je me suis dis mais au fond – par rapport à ce qu’on disait – est-ce que quelqu’un l’a un jour prévenu qu’il était président de la République ? C’est-à-dire que j’ai l’impression que c’est quelqu’un qui a le pouvoir légal mais qui ne s’est pas vraiment pris pour le président de la République. Et donc, du coup, je vis en scooter, etc. Enfin il y a quelque chose de… il me semble qui ne s’est pas incarné.

Alors qu’est-ce qu’on déduit de tout ça ? Bon il y a une première chose mais ça c’est une chose qui a été dite par Max Weber. Max Weber dit que le pouvoir a plusieurs composantes : une composante charismatique et une composante légale. Oui. Et il dit deux choses importantes : c’est que la composante légale dépend de la composante charismatique. C’est-à-dire que vous pouvez statutairement avoir le pouvoir, être élu, etc. si vous n’entrez pas dans… si vous n’incarnez pas la chose, vous ne l’avez pas. C’est un peu ce que De Gaulle écrit dans ses Mémoires, sur Albert Lebrun. Vous savez, il écrit une phrase très très méchante : « Pour être chef de l’État deux choses seulement lui avait manquées : qu’il fut un chef, qu’il y eut un État. » Donc ce qu’il veut dire, c’est qu’effectivement, officiellement il est président de la République mais c’est comme si il n’était pas au courant. Donc ça on le sait. On trouve une illustration dans Astérix. Dans le village il y a un chef légal, Abraracourcix, et puis il y a un chef charismatique qui est Panoramix. Et quand ça ne va pas, on va demander à Panoramix son avis. Personne ne croit Abraracourcix. D’ailleurs comme son nom l’indique, il a un pouvoir très limité et on le montre toujours comme tombant de son bouclier. Donc un pouvoir qui se défait et qui n’arrive pas à s’approprier.

Donc le pouvoir légal n’existe que s’il y a d’abord le pouvoir charismatique qui le surdétermine, qui le surplombe, comme on pourrait dire. On pourrait dire, on le sait, finalement c’est la différence entre pouvoir et autorité. Je peux avoir un pouvoir par la force. « Tout pouvoir résulte d’une force », dit Jean-Jacques Rousseau. Eh bien non, je peux avoir statutairement un pouvoir mais si je n’ai pas la légitimité, l’autre en-dessous – enfin en-dessous… – ne reconnaîtra pas mon pouvoir donc en fait il ne… Oui je n’aurai pas vraiment de pouvoir. Il y a beaucoup de situations où la légitimité… ce qui donne l’autorité par rapport au pouvoir, c’est cette idée de légitimité. Il y a des situations où la légitimité est professionnelle. Imaginez un directeur d’hôpital voulant expliquer quelque chose à un chirurgien. Qu’est-ce qu’il pense, le chirurgien ? Quand j’opère, t’es là. T’as déjà opéré quelqu’un ? Non, alors de quoi tu me causes. Donc pour un chirurgien, la légitimité c’est d’être chirurgien. Donc le directeur d’hôpital, il s’en fout complètement. Imaginez, vous êtes patron d’Air France et vous expliquez à un pilote ce qu’il doit faire. Il dit : « Attends, quand il faut sauver trois cents personnes parce que le train d’atterrissage ne s’ouvre pas, t’es là ? Non ? T’as déjà fait ça ? Non ? Moi j’ai la vie de trois cents personnes tous les jours. Donc tu ne m’expliques pas la vie. » Pour le pilote d’avion, la légitimité, c’est de savoir piloter. Donc, sinon je peux avoir du pouvoir mais je n’ai pas d’autorité. Donc il y a cette question de légitimité, effectivement, qui permet de passer du pouvoir à une certaine autorité.

Je crois que dans les cas extrêmes que je vous ai cités, De Gaulle en cinquante-huit, Pétain en quarante et puis un cas un peu dans l’autre sens, c’est presque d’un autre ordre. C’est-à-dire que ça me fait penser à ce concept chrétien de transsubstantiation. Au xvième siècle, les gens se sont entretués sur une question qui leur semblait tout à fait importante, c’est de savoir si la présence du Christ dans l’hostie était une présence réelle ou une présence symbolique. Donc pour les Protestants, c’est une présence symbolique et pour les Chrétiens c’est une présence réelle. C’est une question qui aujourd’hui peut paraître un peu bizarre. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’au xvième siècle, ils étaient avec le poignard et si tu ne dis pas que la présence est réelle, je te tue. C ‘était à ce niveau-là. Donc ça avait pris quand même une ampleur.

Donc cette idée de transsubstantiation c’est-à-dire que De Gaulle n’est plus un homme mais c’est une espèce de concept qui habite les imaginaires. Idem sur Pétain. Il a changé de substance et il s’est lui-même incarné. Ce n’est pas qu’il a reçu le pouvoir, c’est qu’il s’est lui-même incarné dans le pouvoir.

Alors ça rejoint ce qu’ont dit mes honorables confrères, me semble-t-il, sur la folie. Je pense qu’il y a dans ce – parce que si De Gaulle est devenu De Gaulle, si Pétain est devenu Pétain, il faut suivre leur parcours, ce sont des gens qui avaient une ambition féroce, démesurée et de mon point de vue névrotique – c’est-à-dire je dirais que vouloir avoir tant de pouvoir me semble relever de la névrose. Mais là où il y a quelque chose d’extraordinaire, c’est effectivement de faire partager cette névrose. C’est une notion de névrose collective. C’est-à-dire que non seulement De Gaulle avait cette espèce de folie de se prendre pour De Gaulle, mais en plus, il a réussi à la faire partager au monde entier. C’est extraordinaire, j’ai lu les Mémoires de Kissinger. 4500 pages écrites très serrées et le problème, c’est qu’elles sont toutes intelligentes. Donc il ne faut pas trop en sauter. Et donc Kissinger est devenu le conseiller de Nixon en janvier soixante-neuf, quand Nixon est arrivé au pouvoir et De Gaulle a quitté le pouvoir en avril soixante-neuf. Ils ne se sont pas croisés longtemps, mais il se trouve qu’en mars soixante-neuf, Nixon est venu à Paris avec Kissinger. Et ils rencontrent De Gaulle. Et Kissinger, on ne peut pas dire que ce soit un fantaisiste ni que ses Mémoires soient empreintes d’une folie digne de L’Éloge de la folie d’Érasme. Mais alors le portrait qu’il fait de sa réunion avec De Gaulle, là tout d’un coup, on passe dans une autre substance. Il devient d’un romantisme, on dirait du Chateaubriand. Et il explique même que quand De Gaulle se déplaçait dans la pièce, en fait c’est toute la pièce qui se déplaçait son centre de gravité.

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