Le drapeau français sur Strasbourg

 

Le drapeau français sur Strasbourg

 

 

Bonjour les stratèges et les autres. Alors vous savez que le fait que le drapeau français flotte sur la cathédrale Strasbourg ou pas a été pour la France un enjeu historique au xixe et au xxe siècle. Nous sommes à Noël 1944, Strasbourg a été libérée par les troupes françaises et américaines un mois plus tôt. À Noël 1944, les Allemands lancent leur fameuse offensive dans les Ardennes, avancent de soixante ou cent kilomètres en Belgique et menacent de reprendre Strasbourg. Et là, Eisenhower prend la décision d’évacuer Strasbourg, c’est-à-dire de laisser les Allemands revenir dans Strasbourg avec toutes les risques pour la population. Il y a dans Strasbourg une armée française et une armée américaine. Et De Gaulle donne l’ordre à De Lattre de Tassigny de ne pas évacuer Strasbourg, c’est-à-dire de désobéir à Eisenhower alors que normalement Eisenhower est le général en chef des Alliés, donc les armées françaises doivent lui obéir.

Alors là évidemment, c’est une crise grave et les Américains menacent les Français en disant : « Si vous désobéissez, alors on ne vous armera plus, vous ne pourrez pas continuer la guerre. » Donc De Gaulle est dans une situation très très difficile ; mais pour lui, il est absolument impensable de laisser Strasbourg à nouveau être occupée par les Allemands après avoir été libérée depuis un mois. Voilà ce que fait De Gaulle et je m’appuie sur cet ouvrage d’ailleurs que je vais vous mettre… je vais mettre la couverture en image, donc sur cet ouvrage dont je connais un peu l’auteur. Et voilà ce que dit De Gaulle dans ses Mémoires de Guerre. Il s’adresse à Eisenhower :

« Je l’invitai, de mon côté, à bien peser qu’en laissant l’ennemi écraser isolément les troupes françaises, le haut commandement provoquerait, dans l’équilibre des forces, une rupture peut-être irréparable et, qu’en privant les nôtres des moyens de combattre, lui-même s’exposerait à voir le peuple français lui retirer, dans sa fureur, l’utilisation des chemins de fer et des transmissions indispensables aux opérations. Plutôt que d’imaginer de pareilles perspectives, je croyais devoir faire confiance à la valeur stratégique du général Eisenhower et à son dévouement au service de la coalition, dont faisait partie la France. »

Alors évidemment De Gaulle explique dans son texte qu’il compte sur la bonne perception des enjeux qu’a Eisenhower et donc effectivement les choses vont s’arrêter, vont même s’arranger. Finalement Eisenhower admet de ne pas évacuer Strasbourg, finalement les Allemands ne prennent pas Strasbourg et tout rentre dans l’ordre. Il n’empêche que De Gaulle a menacé les Alliés américains qui viennent libérer la France de les empêcher d’utiliser les chemins de fer français pour leurs besoins militaires. Ce qui est quand même, si on l’admet, assez ahurissant. C’est même ce qu’il a dit d’ailleurs à l’émissaire, à l’adjoint d’Eisenhower qu’Eisenhower lui a envoyé. Il lui a dit : « Si vous laissez les troupes françaises seules dans Strasbourg se faire écraser par les Allemands, effectivement je vous empêcherai d’utiliser les chemins de fer français. » Ce qui était quasiment une déclaration de guerre à un Allié qui venait libérer la France. C’est assez culotté.

Alors effectivement dans cette affaire-là, on peut dire que De Gaulle a bien joué et que Eisenhower a bien joué après avoir commis une maladresse : ignorance des ce qu’était Strasbourg pour les Français, ignorance des craintes que pouvaient avoir les Français de laisser les troupes allemandes revenir dans Strasbourg mais qu’au final entre deux acteurs intelligents, il y a eu une bonne perception des enjeux. Donc le risque qu’a pris De Gaulle de fâcher son allié n’était pas si grand que ça. On peut penser d’ailleurs que cette histoire a été… a permis de cimenter les bonnes relations qu’ont toujours entretenues De Gaulle et Eisenhower. Ne pas mollir mais toujours dans une perception équilibrée, juste des enjeux, même si en première apparence De Gaulle paraissait dans cette affaire bien excessif.

 

Voilà les stratèges et les autres ce que je voulais vous raconter sur De Gaulle et Eisenhower. Et bien sûr il me reste à vous suggérer sans vous menacer de vous priver de chemins de fer d’ailleurs à vous suggérer donc de vous abonner à cette chaîne Youtube. À bientôt.

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