La panne de l’intelligence stratégique
« Bonjour.
- Vous venez de publier aux Édition L’Harmattan La Panne de l’intelligence stratégique sous-titré Pourquoi les peuples creusent-ils leur tombe en sifflotant ? Alors pouvez-vous vous présenter rapidement et présenter votre ouvrage s’il vous plaît ?
- Alors lorsque le général Nivelle a voulu lancer son offensive du Chemin des Dames, il disait : « Attaquons, attaquons ! » et un jour le général Lanrezac lui a répondu : « Oui, attaquons comme la Lune ». Et finalement ce petit mot historique synthétise assez bien le sujet qui m’a préoccupé. Qui est un sujet, dans sa froide sobriété, d’une grande gravité. C’est : pourquoi à des moments de l’histoire l’ensemble des décideurs vont tous faire la même erreur catastrophique, persister, insister ? Et qu’après on se dit : « Mais c’était complètement absurde. » Ça c’est quelque chose que je trouve très très préoccupant et que j’analyse dans ce livre.
Alors je prends l’exemple de la Grande Guerre en consacrant un chapitre à chacun des huit généraux en chef de la Grande Guerre, les quatre allemands et les quatre français. Pour voir comment ils raisonnaient ; parce qu’aujourd’hui on ne comprend pas comment ces hommes sexagénaires ont pu envoyer des millions de gens à la mort. Dont leurs fils d’ailleurs. Comment la vieillesse a sacrifié la jeunesse avec une telle apparente bêtise.
Et puis, dire cela, il faut qualifier, analyser ces erreurs stratégiques. Au fond, si on dit : « Il y a eu des erreurs stratégiques pendant la Première Guerre mondiale, jamais l’art de la stratégie n’est tombé aussi bas », ça c’est facile à dire après. Mais encore faut-il expliquer pourquoi on estime que l’art de la stratégie est tombé aussi bas. Quelles sont ces erreurs ? Et comment on les retrouve dans l’histoire ?
Et donc il y a une deuxième partie plus contemporaine. Montrer que ce phénomène de la panne de l’intelligence stratégique ne concerne pas que la Première Guerre mondiale mais qu’il peut survenir à toutes les époques. Pourquoi en 2010, face à la crise grecque, les décideurs européens choisissent-ils une stratégie dont tout le monde sait qu’elle n’a aucune chance de réussir ? Donc elle ne peut qu’aggraver les choses. Tous les économistes le disent et ils foncent têtes baissées dans le mur. Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? C’est quand même étrange.
Donc essayer de qualifier cette panne de l’intelligence stratégique. Et puis voir quels sont les mécanismes de thérapie. Comment on pourrait l’éviter. Pourquoi Johnson en soixante-huit dit : « Puisque vingt-cinq mille Américains sont morts pour rien au Vietnam, on va en faire mourir vingt-cinq mille autres. » Ça, c’est un raisonnement qui n’est pas acceptable, qu’on doit éviter à l’avenir. »
