La bêtise de Guillaume II
Bonjour les stratèges et les autres. Je voudrais aujourd’hui vous parler de la bêtise en stratégie. Alors ce n’est pas politiquement correct de parler de la bêtise mais la bêtise en stratégie ça existe avec un exemple historique qui est celui du Kaiser Guillaume II. Voilà, Guillaume II, je n’hésite pas à le dire, était du point de vue de la stratégie assez bête. Et cette bêtise d’ailleurs a coûté très cher à l’Europe et a joué un grand rôle dans l’histoire. Il y a un poids des acteurs sur l’histoire. Elle n’est pas déterminée et écrite ; il y a des acteurs qui peuvent se conduire de façon bête.
Voilà il faut revenir à l’année 1888 qu’on a appelée l’année des trois empereurs. Cette année-là le Kaiser Guillaume Ier meurt, son fils lui succès mais meurt quelques mois après d’un cancer. Et donc le jeune Guillaume II qui doit avoir quelque chose comme vingt-huit ans devient l’empereur. Et une des premières choses qu’il fait, c’est de renvoyer Bismarck. Alors… parce que Bismarck avait une politique qui ne lui plaisait pas. Pourquoi ? Bismarck après 1871 avait compris une chose essentielle, c’est que les Français avaient beaucoup de mal à accepter qu’on leur ait pris l’Alsace et la Moselle et donc que l’esprit revanchard des Français était un problème pour l’avenir de l’Allemagne. Bismarck (et non Guillaume II comme dit dans le film) avait plutôt une politique d’essayer de se réconcilier avec la France en encourageant la France dans ses aventures coloniales et surtout en n’y engageant pas l’Allemagne de façon que la France puisse restaurer sa fierté et son honneur par une aventure coloniale et ne pense plus à récupérer l’Alsace et la Moselle. Et finalement, ce raisonnement stratégique intelligent est plutôt en train de marcher.
Alors Guillaume II renvoie Bismarck et tout de suite il va avoir une politique d’affrontement, de confrontation avec la France. C’est-à-dire il va considérer que la France est l’adversaire ou l’ennemi de l’Allemagne et que ce n’est pas la charge de la politique allemande de se réconcilier avec la France. Donc il va commencer à titiller les Français dans leur aventure coloniale en voulant lui-même avoir des colonies et donc il va créer, recréer, réveiller un antagonisme franco-allemand ce qui n’était pas, évidemment, très difficile. La conséquence de cela c’est en 1905 l’Entente cordiale. C’est-à-dire rendez-vous compte à quel point il a réussi à énerver les Français, c’est que les Français font une alliance avec les Anglais qui étaient pourtant les ennemis héréditaires. C’est dire. Donc cette stratégie et cette politique de Guillaume II est profondément une bêtise.
Et la deuxième bêtise évidemment c’est en 1914 puisque il va faire partie des acteurs qui ne vont rien faire pour freiner la guerre, au contraire qui vont plutôt se dire : « J’ai un bon jeu et je tente le coup. » Alors qu’est-ce qu’il va faire exactement Guillaume II ? Eh bien il ne va pas dissuader l’Autriche d’envoyer un ultimatum à la Serbie. Et donc il va pousser l’Autriche dans une posture intransigeante, l’Autriche-Hongrie, et bien sûr si l’Autriche-Hongrie a été intransigeante en sachant qu’elle risquait de déclencher une guerre mondiale, c’est parce qu’elle savait qu’elle aurait le soutien de l’Allemagne. Si l’Allemagne avait dit aux Autrichiens : « Si vous vous mettez en guerre avec la Serbie et avec la Russie nous ne vous soutiendrons pas », alors on peut gager que l’Autrice-Hongrie aurait été plus prudente. Donc l’analyse de Guillaume II en 1914, c’est que l’Allemagne a un bon jeu et peut tenter le coup d’une guerre européenne.
En fait, là aussi il y a une erreur d’analyse, l’Allemagne n’a pas un bon jeu. Parce que s’il y a une guerre européenne, elle va se trouver en guerre sur deux fronts, que dans la durée, elle n’est pas capable de gagner et même de mener. Et d’ailleurs le plan Schlieffen – Schlieffen est mort en 1913 mais il avait laissé un plan – et il avait très bien dit – il avait été le général en chef de l’Allemagne – que la seule chance pour l’Allemagne de s’en sortir dans une guerre européenne c’était de battre la France en deux mois puis ensuite de se retourner vers la Russie. Or battre la France en deux mois, c’était très aléatoire et d’ailleurs ça n’a pas réussi, les Allemands n’ont pas battu la France en deux mois et en fait, ils ne risquaient pas d’y arriver. Même s’ils avaient pris Paris, ils n’auraient pas battu la France en deux mois. C’est-à-dire qu’en fait, les Allemands étaient dès le départ dans une situation perdante. C’est-à-dire de se battre dans une guerre d’usure sur deux fronts qui faisaient que à terme, ils finiraient forcément par perdre. Parce qu’ils n’avaient pas l’accès à la mer, parce qu’ils étaient bloqués commercialement, parce qu’ils manquaient de ressources, parce que grosso modo… c’est bien ce qu’il s’est passé en 1918, c’est que les Allemands ont lâché parce que la population mourait de faim.
Donc, dès le départ en fait, défaite allemande elle était inscrite dès le départ à partir du moment où les Allemands n’ont pas battu la France en deux mois. Autrement dit, contrairement à ce qu’il pensait, Guillaume II avait un mauvais jeu et donc il a perdu avec son mauvais jeu. Et ça il aurait dû le savoir. Donc vous voyez deux bêtises cruciales qui ont pesé sur le destin de l’Europe sont dues à des fausses analyses de Guillaume II qui effectivement n’était pas intelligent en stratégie.
Voilà, eh bien la bêtise ça existe et ça fait du mal et du malheur malheureusement. Voilà les stratèges et les autres ce que je voulais vous dire sur Guillaume II, j’allais dire le regretté Guillaume II ; non personnellement je ne le regrette pas. Et il me reste à vous suggérer, à vous inviter à vous abonner à cette chaîne Youtube. À bientôt.