Innovation, le 7 de Conté
Alors l’état d’esprit : regardez cet objet ! Vous le reconnaissez tous cet objet ? Il s’appelle un « 7 de Conté ». Et pourquoi s’appelle-t-il le « 7 de Conté » ? Parce que, quand Conté a lancé cet objet, pendant sept ans, ils ne l’ont pas vendu. Et un jour, ils ont changé un détail qui fait que les ventes ont démarré et que c’est toujours un grand succès commercial.
Alors, qu’est-ce qu’ils ont changé ? Alors tout est normal, quand je pose cette question, on me répond toujours : la gomme. Faux. Dans 100 % des cas, je vous rassure, on me répond la gomme. La couleur ? Non. La mine ? L’accroche ? L’accroche. Qui a dit l’accroche ? The winner is… Voilà. Alors c’est intéressant de comprendre le problème.
Conté, c’est une entreprise qui a deux siècles et qui fait des crayons à papier. Comme vous savez, les crayons à papier, on les taille avec des taille-crayons. Quand on taille un crayon avec un taille-crayons, ça fait une mine au bout de forme conique. Donc au début le trait est fin, puis la mine s’émousse et il est de plus en plus large. Donc l’inconvénient du crayon à papier, c’est qu’il ne produit pas un trait de largeur constante. Et on a demandé aux ingénieurs de Conté : produisez-nous un crayon qui fasse un trait de largeur constante. Pour ça, ils se sont dit : pour que la largeur soit constante, il faut que la mine reste cylindrique. Et non pas conique. Mais pour ça, il faut qu’elle puisse sortir. Donc ils ont conçu ce crayon à papier avec une mine qui sortait. Et comme depuis très longtemps et toujours on mettait des gommes sur les crayons à papier, ils ont tout de suite mis la gomme. Pas de problème. Sauf que ça ne s’est pas vendu.
Et un jour, il y a quelqu’un qui a dit : « Mais si on met un clip, on a fait un porte-mine pas cher et jetable ». Ils ont mis sept ans à avoir cette idée-là. Pourquoi ? Parce qu’ils regardaient l’objet dans la catégorie « crayon à papier » et non pas dans la catégorie « porte-mine ». Donc ils l’avaient pensé comme un crayon et non pas comme un porte-mine. Le jour où ils se sont dit : le même objet, je le regarde à partir d’un autre concept, ils ont eu les clés de l’innovation.
Et c’est ça que je voulais vous dire. C’est : l’innovation – vous le faire sentir – ça ne commence pas par changer le monde, ça commence par changer notre regard sur le monde. À Paris, il y a aujourd’hui des métros sans wagon, vous savez, continus. On a mis un siècle à penser qu’on pouvait faire des métros sans wagon. Alors pourquoi on a mis des wagons au métro ? Ça ne sert à rien, enfin si ce n’est à réduire la place. Parce que quand on a pensé au métro, on s’est dit : on va enterré un train. Donc le métro n’a pas été pensé en tant que métro, il a été pensé en tant que train enterré. Et dans un train, il y a des wagons. Enfin il y avait.
