Pourquoi une entreprise doit désobéir à ses codes pour réussir

Pourquoi une entreprise doit désobéir à ses… par Challenges

Pourquoi une entreprise doit désobéir à ses codes pour réussir

 

La vie est un constant jeu d’élastique pour savoir si j’obéis ou si je n’obéis pas aux injonctions. Il y a des codes, il y a des codes vestimentaires, des codes de comportement. Et donc je ne peux pas me dire, je suis dans la désobéissance perpétuelle. Je ne peux pas m’amuser à provoquer, à désobéir en toute situation et à toujours tout contester. En tout cas si je le fais ce sera une révolte totalement stérile. À l’inverse, il y a des situations où je devrais me dire, où je dois me dire : « Là mais pourquoi je fais ça ? Pourquoi j’obéis à ce qu’on me demande ? Pourquoi je réponds à cette question ? Etc., etc. »

Celui qui ne désobéit jamais est un mort en ce sens qu’il n’a pas d’exercice de sa liberté. C’est-à-dire que tout ce qu’il va faire va être donné par le cadre, par la règle du jeu, par le marché, par des injonctions stratégiques, par les ordres que lui donne sa femme ou son mari, par ce que lui ont appris ses parents et ses grands-parents. Donc c’est toujours cette question quand même : dans toute situation, il y a une règle du jeu. Est-ce qu’elle me convient ? Est-ce qu’il est légitime que je l’accepte ?

Dans dix ans, la valeur ne sera pas affectée aux mêmes produits. 95 % de la valeur que nous consommons correspond à des choses qui n’existaient pas, que nous n’avions même pas imaginées il y a deux siècles. Donc si je veux survivre, me développer, je dois avoir ce souci de continuité, d’exploiter l’existant au mieux et par ailleurs de désobéir à tout ce que je suis en train de faire. Donc c’est ça qui est un jeu subtile. C’est que dans le même moment je suis en train d’obéir à moi-même et de désobéir à moi-même.

Déjà on pourrait se poser la question : est-ce qu’une entreprise a une chance de survivre si elle ne désobéit pas ? Je ne le crois pas. Alors ça a l’air tout bête mais c’est quand même au cœur d’une idée de Marx. Il est important, vis-à-vis du milieu économique, de revenir, de faire quelques leçons de marxisme parce que souvent ce n’est pas l’économiste préféré des milieux économiques. Marx dit tout simplement que si les entreprises se battent sur les mêmes offres, elles seront inévitablement aspirées dans ce que l’on appelle la baisse tendancielle des taux de profit. C’est-à-dire que la seule variable de la compétition sera le prix et donc le profit disparaîtra. Or le système est fondé sur le fait que le profit rémunère le capital. Donc c’est pour ça que Marx pense que le capitalisme va s’effondrer. Et on la voit bien cette baisse tendancielle des taux de profit. Alors ça a un nouveau nom maintenant, ça s’appelle le low cost. Je suis aspiré, si je n’innove pas, dans la spirale du low cost. Si je fais la même chose que les autres, ma seule variable d’ajustement, c’est de le faire moins cher et si possible de taper sur mes salariés avec des conditions de travail voire des pratiques parfois frauduleuses.

Par rapport à cela, qu’est-ce que nous observons ? Qu’il y a une autre façon d’échapper à la concurrence, qui est d’innover. Mais pour cela, il ne faut pas obéir à la demande. Il ne faut pas dire : « Voilà, l’objet de ma stratégie, c’est de savoir ce que demande le client et de le faire, mais c’est d’interpréter cette demande pour faire autre chose. » Alors l’exemple de Steve Jobs est très rebattu, mais ce n’est pas tout à fait par hasard. C’est que l’histoire de Steve Jobs, c’est exactement ça qu’elle nous enseigne. C’est-à-dire quelqu’un qui n’ignore pas ce que sont les clients mais qui, se faisant idée de ce que sont les clients, leur fait une offre tout à fait singulière.

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