Engagement et changement
Il existe un principe, un postulat de rationalisation. Qui dit quoi ? Qui dit : j’ai pris une décision : répondre poliment à un Anglais. Je vais rationaliser ma croyance sur moi-même. Si j’ai répondu poliment à un Anglais, c’est que je suis quelqu’un de serviable. Et cette rationalisation – donc réduction de la dissonance cognitive – va me préparer à prendre une deuxième décision qui est de rendre le billet. Pour que ça fonctionne, il faut que je pense que j’ai pris ma décision librement puisque c’est ça qui va faire que j’ai rationalisé et que j’ai modifié mon regard sur moi-même. Donc retenez bien cette leçon : ce qui rend les hommes manipulables, c’est qu’ils se croient libres. La condition nécessaire et suffisante – presque suffisante – pour être manipulé, c’est de se croire libre.
Alors vous me direz, c’est quoi ça ? C’est un cours sur la manipulation ? Alors justement, n’évacuons pas la question. Ce qui est important, ce qui prépare mes actions, ce sont les décisions que j’ai prises. Si vous voulez que les gens changent, il faut d’abord qu’ils commencent par agir. Grande leçon de Watzlawick dans son livre Changement, Paul Watzlawick dit : « Le problème du changement c’est simplement de commencer à changer. » C’est le premier changement. Parce que sur le premier changement vous allez rationaliser. D’accord ? Donc, ça c’est un point qu’on appelle l’engagement. Il faut un engagement en acte dans un changement pour que ce changement existe pour moi et pour que j’y aille.
Deuxièmement, effectivement il y a une proximité entre la théorie de l’engagement et la théorie de la manipulation. Car si vous voulez utiliser cette méthode pour engager des gens dans des choses qui sont contre leur morale et contre leur intérêt, je vous dis : « Ça risque de marcher. » Et ça, c’est un grand danger. Parce que ça risque de marcher à court terme. Je suis en train de vous vendre une voiture. Mais vous n’en voulez pas. Mais moi je suis un bon vendeur, donc je vous fais le baratin. Alors là vous commencez à vous sentir pas très bien. Puis je vous dis : « Christian, sentez-vous complètement libre. » Ça, c’est un acte délibéré de manipulation. Qu’est-ce qui risque de se passer ? C’est que Christian se dise : « Ah, puisque je suis libre, je peux l’acheter. Parce que là, j’étais justement en train de sentir qu’on forçait ma liberté. » Mais si ça marche, si Christian l’achète, qu’est-ce qui se passe quand il revient chez lui avec sa voiture ? Il se dit : « Mais il m’a eu ce con-là ! Je n’en voulais pas. » Et là, il va commencer à m’en vouloir. D’accord. Donc n’oubliez pas ça, le manager manipulateur est toujours un manager haï.
Donc apprenez bien à faire la distinction entre l’engagement et la manipulation. L’engagement c’est : je vous engage dans l’action mais pas contre votre intérêt, pas contre vous. Simplement pour s’engager. Donc le problème du changement, c’est simplement, j’allais dire, de commencer à changer.
Il n’y a de changement qu’en acte. Et c’est parce que j’ai commencé à changer en acte que je vais ensuite faire évoluer mes croyances.