En finir avec le SWOT
Bonjour les stratèges et les autres. Figurez-vous que la méthode d’analyse stratégique la plus employée dans le monde où je travaille, c’est la méthode dite SWOT ou, pour le dire en français, Forces – Faiblesses – Menaces – Opportunités. Il s’agit donc d’analyser les forces de l’entreprise, de définir les faiblesses, les menaces et les opportunités et en fonction de ça, on dégage l’horizon stratégique ou en tous cas les axes stratégiques.
Donc ça, je dirais, quatre fois sur cinq quand il y a une analyse stratégique qui est faite dans une PME, c’est fait comme ça. Et figurez-vous que c’est une méthode que je n’emploie jamais. Ce n’est pas par ignorance ou mauvaise volonté. Je ne l’emploie jamais parce que je la trouve dangereuse. Et je la trouve dangereuse parce que je l’ai vu produire des catastrophes, conduire même des entreprises à la faillite.
Alors qu’est-ce que j’ai contre cette méthode Forces – Faiblesses – Menaces – Opportunités ? Eh bien je vais le synthétiser en un mot : Zinedine Zidane n’a jamais été sélectionné dans l’équipe de France de rugby. Vous me direz, évidemment, et c’était pourtant le meilleur joueur du monde. Oui, évidemment c’était le meilleur joueur du monde de foot, donc il n’a pas été sélectionné dans l’équipe de France de rugby, ça va de soi. Il avait des points forts, Zidane, mais ce que je veux dire par cette métaphore un peu absurde, c’est qu’un point fort n’est un point fort que par rapport à une situation, à une règle du jeu. S’il faut jouer au foot, il faut être habile du pied et donc ça, c’est un point fort. Pour jouer au handball, ça n’est pas un point fort de savoir bien shooter avec les pieds. Autrement dit, ce que je reproche à cette méthode Forces – Faiblesses – Menaces – Opportunités, c’est de considérer les forces et les faiblesses comme des données en soi alors que les forces et les faiblesses dépendent du type de métier que je fais. Il y a des métiers où être créatif est une force et d’autres où être créatif, c’est une faiblesse. Il y a des métiers où être dépensier, c’est une force et des métiers où être dépensier, c’est une faiblesse. Il m’est arrivé de dire… j’avais un client, c’était une grande marque de champagne, de lui dire voilà : « Votre problème, c’est que vous n’êtes pas assez dépensier. Donc il faut que vous appreniez à dépenser plus d’argent dans le marketing. » Mais évidemment dans d’autres entreprises je dis : « Votre problème, c’est que vous appreniez à être plus économe, meilleur gestionnaire de coûts. Vous êtes trop dépensier. » Donc le fait d’être dépensier ou d’investir par exemple dans le marketing, il y a des cas où ça va être une force et des cas où ça va être une immense faiblesse.
Donc en fait, c’est une analyse idéologique et décontextualisée. Il y a en stratégie plusieurs terrains de jeu de même que si on me confie une équipe pour jouer le match de samedi prochain, et que je dois l’entraîner, je vais d’abord me demander à quel jeu elle va jouer. Est-ce qu’elle va jouer un match de hand, est-ce qu’elle va jouer un match de rugby, est-ce qu’elle va jouer un match de foot ou est-ce qu’elle va jouer un match de basket ? Et selon la réponse, je ne vais pas entraîner l’équipe de la même façon.
Voilà pour la méthode SWOT. Ce que je dis là n’est pas que de la théorie. J’ai vraiment vu des entreprises perdre des dizaines, je parle de dizaines de millions d’euros, en faisant cette erreur-là, c’est-à-dire en reproduisant des forces, en disant je suis fort là-dessus et donc je vais à fond sur cette affaire-là. Sauf que c’était le contrepied parfait.
Voilà les stratèges et les autres ce qu’il en est des forces, des faiblesses, des menaces et des opportunités. Et comme opportunité je vous laisse le soin de vous abonner à cette chaîne Youtube. À bientôt.