Créativité et innovation
D’où c’est venu, l’innovation ? Dans les entreprises, ce n’est pas venu de l’idée que nous aimions a priori la nouveauté. C’est venu de la pression concurrentielle. L’innovation n’est pas un processus périphérique pour les entreprises, c’est le cœur du cœur de la survie des entreprises. On est au centre du processus. 100 % des produits que nous consommons n’existaient pas il y a cent-cinquante ans. Si vous n’êtes pas dans vos vies, créatifs, ouverts, vous vivrez mal. Et si les entreprises ne sont pas créatives, ouvertes, elles vivront mal. Ce qui est vrai pour les entreprises est vrai pour les hommes.
Être créatif, c’est apprendre à regarder la réalité autrement. À situer une réalité dans un autre contexte. Et c’est extrêmement difficile. Pourquoi ? Parce que dans notre esprit, nous ne dissocions pas la réalité du contexte dans lequel nous l’interprétons. Et le fait que nous ne dissocions pas a ouvert la porte à quelque chose qui est assez proche de la créativité, qui s’appelle l’humour. Alors c’est quoi, une blague ? C’est quand on vous raconte une histoire et dans la dernière phrase, on vous donne une autre interprétation de l’histoire.
Ce soir quand vous rentrez vous pouvez vous dire : « Tiens on va être créatif, je vais conduire en tenant mon volant avec les pieds. » Ah ça, c’est vachement créatif. Sauf que c’est probablement pas efficace. Donc pour des raisons d’efficacité, nous utilisons nos chemins pré programmés pour répondre aux situations. Et 99,9 fois sur cent, nous avons raison de le faire, c’est ce qui est le plus efficace. Mais du coup, cela nous empêche d’être créatifs. Donc, ce qui peut nous permettre d’être créatifs, c’est de neutraliser ces chemins neuronaux pré programmés. Pour en explorer d’autres, pour explorer d’autres parties de notre cerveau, d’autres capacités de notre cerveau. C’est pour ça que nos habitudes sont les premiers obstacles à l’innovation.
Si on sait travailler de façon collective, on est beaucoup plus créatif. Mais il faut travailler de façon collective. Est-ce qu’il faut être confortable pour innover ? Non, pas trop. Comme disait André Gide : « L’art naît de contrainte, vit de lutte et meurt de liberté. » C’est aussi dans la philosophie de Kant. S’il n’y a pas un système de contrainte fort, il n’y a pas de pression d’innovation.
S’il n’y a pas de temps, si on veut des résultats tout de suite, il n’y aura pas de grandes innovations.
Si vous êtes dans une entreprise où il y a un état d’esprit d’innovation, les performants non conformes, ils vont être soutenus. Et ils vont vous servir à innover. Les conformes non performants, s’il n’y a pas d’esprit d’innovation, vous savez ce qui leur arrive ? Eh bien, ils sont promus. Ben oui, ils sont conformes donc on les aime bien. Donc ils vont… D’accord ? Donc si l’on gère toujours plus de conformité, on ne peut pas être innovant. C’est à ça que ça sert, l’état d’esprit de l’innovation. Et à échapper à la pression de conformité qui fait que tous les non conformes finissent par quitter l’entreprise, même s’ils sont performants. Ça c’est embêtant. Et une des façons de le faire, c’est de mettre le client au centre de l’entreprise. Pourquoi ? Parce que le client, lui, il s’en fout que son interlocuteur soit conforme ou pas conforme à la culture de l’entreprise. Par contre, il réagit sur la performance. D’accord. Et s’il n’y a pas de pression du client, c’est beaucoup plus difficile d’être innovant et d’échapper à la pression de conformité.
La première méthode de créativité, je crois que ça date des années vingt ou trente, c’est le brain storming. Pas de critique, ça veut dire quoi ? C’est une des clés, vraiment, de la créativité. C’est séparer la phase de création de la phase de jugement. Si vous jugez en même temps que vous créez, vous ne créerez pas. Pendant que j’écris un livre, il y a une question que je refuse de me poser, c’est : qu’est-ce que vaut ce que j’écris ? Ce que Paul Valéry disait : « S’aimer en écrivant, se haïr en se corrigeant. » C’est bien dire que ce sont deux phases différentes.
Créativité : la quantité précède la qualité. Ça n’a aucune importance dans cette phase de création d’énoncer des idées justes, des idées bonnes. Ça n’a aucune importance. L’important c’est : cinq cents idées. D’accord ? Si je veux trouver une amélioration dans le vidéoprojecteur qui est là-haut, il faut d’abord commencer par se dire collectivement : en une demi-heure, on peut produire cinq cents idées. Et si on en produit cinq cents, il y a beaucoup plus de chances qu’il y en ait une de bonne sur les cinq cents que si au bout de trois idées on se met à discuter du pour et du contre.
Donc ça, ce n’est pas du tout évident. Je vous rappelle que en France on serait – d’après les études – à 0,5 idée apportée par salarié et par an. Au Japon on est à deux cents. Alors est-ce que ça veut dire qu’on a quatre cents fois moins d’idées que les Japonais ? À mon avis, pas dut tout. Ça veut dire qu’on ne s’y intéresse pas.
L’important quand quelqu’un énonce une idée, ce n’est pas de me dire : « C’est bien, ce n’est pas bien. » C’est : « Qu’est-ce que j’en fais ? » Parce que les idées comme les bébés ne naissent pas viables. Il faut s’en occuper. Si vous tournez en rond, ne vous inquiétez pas, c’est au moins qu’il vous reste des notions de géométrie.