Conseil d’indiscipline
Du bon usage de la désobéissance
La désobéissance est au fondement de la décision.
En 1712, Louis XIV renvoie Villars aux armées pour la bataille de la dernière chance, celle qui peut sauver Paris. Avant de le quitter, il lui demande ce qu’il conviendrait de faire si les armées françaises étaient vaincues. Villars garde un silence embarrassé. Le vieux monarque répond alors pour son général : « En attendant que vous me disiez votre pensée, je vous apprendrai la mienne… Je compterais de me rendre à Péronne ou à Saint-Quentin, y ramasser tout ce que j’aurais de troupes, faire un dernier effort avec vous et périr ensemble ou sauver l’État, car je ne consentirais jamais à laisser l’ennemi approcher de ma capitale. »
Prière entendue. Louis XIV, après avoir bu le calice de la défaite jusqu’à la lie, a finalement sauvé in extremis son royaume en défiant la réalité. La question de l’obéissance se pose constamment à l’homme moderne. Qu’il s’agisse d’obéir à une certaine idée de la réalité, parce que « la réalité s’impose » et qu’il faut être réaliste. Les grandes décisions, celles qui peuvent sauver un pays ou une entreprise, éviter un désastre ou une guerre, se fondent su un choix initial : se soumettre à notre idée de la réalité ou saisir la différence entre le possible et le réel.
Décider est une fonction plus complexe et plus élaborée que de résoudre des problèmes pratiques car cette fonction engage un questionnement sur la représentation de la réalité. Ce qui n’est pas ou peu le cas de la résolution de problèmes pratiques. La décision élargit donc le champ d’action d’homo sapiens et dans une certaine mesure l’humanise.
La désobéissance élargit encore le champ de la décision. Elle concentre le sujet sur ce qu’il y a de plus difficile et de plus engageant dans la décision, sur ce qui ne relève d’aucune méthode spécifique, sur ce qui finalement nous relie au monde.
C’est ce continent peu exploré où se joue une idée moderne de l’humanisme que nous nous proposons de découvrir.