Churchill comprenait tout
Bonjour les stratèges et les autres. Le 12 juin 1940, Churchill prend l’avion depuis Londres pour venir dans la région de Tours rencontrer le gouvernement français, en particulier Paul Reynaud le président du Conseil. Et Paul Reynaud est très embêté, outre que la situation militaire est désastreuse, il veut dire à Churchill qu’il va demander, que le gouvernement français va probablement demander un armistice avec l’Allemagne. Or la France et l’Angleterre, en mars, se sont engagées à ne pas demander d’armistice séparé. Donc Paul Reynaud va rompre la parole donnée par la France. Mettant son allié, évidemment, dans le plus grand embarras. Et il tourne autour du pot, et la conversation se parle en français, parce que Churchill croyait qu’il parlait français. Ce dont personne n’avait eu le discernement de le détromper.
Churchill finit par dire à Paul Reynaud : « Je comprends que vous allez signer l’armistice. » Quand Churchill dit « je comprends, il veut dire « I understand », « j’ai discerné ». Mais en français, le mot « comprendre », le verbe « comprendre », a deux sens. Ça peut vouloir dire « discerner » ce qui va se passer, ça peut vouloir dire aussi ne pas désapprouver. « Je vous comprends, je ne vous désapprouve pas. » Et donc Paul Reynaud en conclut que Churchill ne désapprouve pas. C’est-à-dire qu’il prend le mot « comprendre, le verbe « comprendre », dans sa deuxième acception alors qu’évidemment Churchill l’a employé dans la première acception, je discerne, parce que c’est la seule qui existe en anglais avec « understand ».
Voilà ce petit malentendu qui va se nouer – bon ça ne va pas être très grave entre les deux hommes, d’abord Reynaud va bientôt quitter le pouvoir et ensuite finalement Churchill a dit « j’ai d’autres sujets que de faire des récriminations contre la France, j’ai d’autres problèmes beaucoup plus graves donc je ne vais pas trop récriminer que la France ait rompu l’alliance et pas tenu sa parole » – mais cela nous montre que effectivement il y a comprendre et comprendre. Pour une bonne stratégie, avant de savoir si on l’approuve, si on la désapprouve, c’est-à-dire si je peux dire « voilà je comprends qu’il faut faire cela, que vous fassiez cela », il faut déjà comprendre ce qu’elle signifie. C’est-à-dire suspendre son jugement, le temps de la compréhension – approbation, pour avoir le temps de l’instruction, c’est-à-dire de la compréhension de ce que la chose signifie. Souvent on va trop vite au jugement, je crois que c’est Platon qui dit qu’il faut apprendre à « suspendre son jugement » et bien analyser les problèmes avant d’en juger.
Voilà, petite leçon de stratégie. Souvent on me demande : « Eh bien voilà, ce que je veux faire, qu’est-ce que vous en penser ? » comme si en cinq minutes, sans rien analyser, et sur un coin de table on pouvait avoir une réponse fondée. Non. Il faut d’abord bien comprendre à fond avant de pouvoir comprendre c’est-à-dire accepter. Voilà petite leçon donc, pensez bien à comprendre avant de comprendre. Voilà les stratèges et les autres ce que je voulais dire sur ce malentendu historique du 12 juin 1940. Il me reste à vous inviter, bien sûr, à vous abonner à cette chaîne Youtube. En tout cas je pourrais comprendre que vous le fassiez. À bientôt.