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Chic, on change ! Mieux vaut prendre un tournant qu’un mur
Brian Mulroney est peu connu en France aujourd’hui. Il fut premier ministre du Canada de 1984 à 1993. Né en 1939, il était en 1984 l’étoile montante de la politique canadienne. En 1993, au moment de sa démission, il avait établi un record du monde dans un pays démocratique : le record du monde de l’impopularité pour un homme politique. Le titre est pourtant assez disputé, en particulier en France où l’indulgence à l’égard des gouvernants n’est pas le sport favori. Mulroney était tombé à moins de 10 % de soutien, c’est dire qu’il avait réussi à irriter et démobiliser presque tout son camp. Une sorte d’exploit.
On se dit que pour en arriver là, il a dû accumuler sur sa tête l’affaire du Watergate – avec tromperie massive – plus l’affaire du Rainbow Warrior – avec services secrets ridicules – le tout pimenté d’un zeste de scandale sexuel façon affaire Lewinsky, version soft ou version plus relevé à la française, genre Sofitel new yorkais avec viol matinal.
Mais non : Brian Mulroney est un homme sobre et sage, il n’a volé personne, on ne sache pas qu’il ait menti plus que de raison, ses mœurs ne font l’objet d’aucun commentaire clintonien ou strauss-kahnien. Catholique modéré de centre droit, ce n’est pas un homme qui devrait susciter des réactions extrêmes.
Sa politique était-elle de nature à mériter tant de haine ? Qu’a-t-il donc fait ? En fait rien d’extraordinaire. Il a simplement voulu faire ce qu’ont réussi ses successeurs, à savoir réduire la dette et réformer l’État fédéral pour le rendre plus efficace. Pas de quoi passer pour un extrémiste. D’ailleurs, là où il a échoué, ses successeurs vont réussir sans faire de vague.
Paradoxe de la situation, cet homme estimable et mesuré a perdu l’estime et a conquis une impopularité démesurée pour un bilan finalement bien mince. Margaret Thatcher a certes suscité des haines, mais elle pouvait se dire que c’est le prix des changements qu’elle a effectivement opérés et qu’elle croyait bénéfiques. Si elle a été haïe au point qu’on tente de l’assassiner, c’est au moins pour quelque chose qui est resté. Mais quelle trace Brian Mulroney a-t-il laissé sur la neige de son pays ? […]